« Doux Jésus, les arancini d’Adelina ! Il ne les avait goûtés qu’une fois : un souvenir qui lui était certainement passé dans l’ADN, dans le patrimoine génétique.
Adelina y mettait bien deux bonnes journées, à les préparer. Il en connaissait par coeur la recette. La veille, on fait un aggrassato, mélange de veau et de porc en gelée et en parties égales, qui doit cuire à feu très bas pendant des heures et des heures avec oignon, tomates, céleri, persil et basilic. Le lendemain, on prépare un risotto, de ceux qu’on appelle « à la milanaise » (sans safran, par pitié!), on le verse sur une planche, on le mélange à l’oeuf et on le fait refroidir. Pendant ce temps, on cuit les petits pois, on fait une béchamel, on réduit en petits morceaux quelques tranches de salami et on fait toute une préparation avec la viande en gelée, hachée avec le hachoir demi-lune (pas de mixer, pour l’amour de Dieu !). La sauce de la viande se mélange au riz. A ce point, on prend un peu de risotto, on l’arrange dans la paume d’une main tenue en forme de conque, on y met dedans l’équivalent d’une cuillère de la préparation et on le recouvre de ce qu’il faut de riz pour former une belle boulette. Chaque boulette est roulée dans la farine, puis on la passe dans le blanc d’oeuf et la chapelure. Ensuite toutes les arancini sont glissées dans une cuvette d’huile bouillante et on les fait frire jusqu’à ce qu’elles prennent une couleur vieil or. On les laisse s’égoutter sur le papier. Et à la fin, ringraziannu u Signuruzzu, Grâce soit rendue au petit Seigneur, on les mange ! »
Extrait de La démission de Montalbano (titre original : « Gli arancini di Montalbano« ) d’Andrea Camilleri, Fleuve noir, 2005.
Les arancini, qu’apprécie le commissaire Salvo Montalbano et en particulier celles de Adeline sa cuisinière, sont un délice de la cuisine traditionnelle sicilienne. A Palerme ou à Catane, on les mange dans les « friggitoria » magasin traiteur où l’on prépare et vend des « cibi di strada » cuisine de rue » en français : ce sont souvent des plats frits (friggitoria vient du verbe friggere: frire). Mais on les prépare aussi chez soi en particulier le 13 décembre pour Sainte Lucie (tradition très respectée : on ne mange pas de pain ce jour-là mais les arancini ou autres plats délicieux).
A vos fourneaux !