Connaissez-vous René Schickele et Ernst Stadler ? Nés en 1883, les chemins de ces deux jeunes gens  se sont croisés à Strasbourg au début du siècle dernier. Leur engagement, leur humanité, leurs œuvres méritent qu’on les garde en mémoire. Nous vous offrons ces deux poèmes, avant de vous parler d’eux.

René Schickele, poème extrait du roman Mon amie Lo (Ed. Circé).

 

Ernst Stadler, extrait du recueil de poésie bilingue Der Aufbruch – Le Départ (Ed Arfuyen)


De père alsacien au dialecte alémanique, de mère francophone, René Schickele apprend l’allemand à l’école, poursuit des études à Strasbourg, Munich, Paris et Berlin. Dès 1901, il crée avec Ernst Stadler et ses amis un cercle artistique et littéraire, « Das jüngste Elsaß », afin de promouvoir la culture germanique et dialectale proprement alsacienne. Il fonde avec eux à Strasbourg la brève revue culturelle contestataire Der Stürmer, formulant ensemble l’idée d’une « alsacianité de l’esprit » qui implique la vocation médiatrice de l’Alsace entre la France et l’Allemagne, dans une perspective européenne.
Schickele réussit à s’imposer sur la scène littéraire d’avant-garde, à Berlin. En 1909, journaliste à Paris, il est fortement impressionné par le socialisme pacifiste de Jaurès. Avec la Première Guerre mondiale, il va se faire le défenseur de l’éthique de la non-violence. Directeur de la revue expressionniste Die weißen Blätter, de  1913 à 1920, il se retire en Suisse et transforme peu à peu la revue en un organe de l’internationale pacifiste. Après 1918, l’échec de la Révolution allemande l’éloigne de l’engagement politique. « Citoyen français und deutscher Dichter », il s’installe à Badenweiler en Forêt noire, en 1922. Malgré sa nationalité française, il est élu à l’Académie allemande de Berlin, avec Thomas et Heinrich Mann et d’autres grands noms de la littérature allemande de l’époque. Avec les années 1930, attaqué par la presse nazie en tant que « pacifiste » il s’établit en Provence, précédant la longue file des écrivains allemands qui, à partir de 1933, devaient prendre le chemin de l’exil.
Ernst Stadler (1883-1914) est un poète alsacien de nationalité allemande et de langue allemande. Il a suivi ses études à Strasbourg puis à Oxford. Son livre Der Aufbruch, publié en 1914, est considéré comme une des œuvres majeures de l’expressionnisme. Ernst Stadler a été tué lors de la bataille de Zandvoorde dans les premiers mois de la Première Guerre mondiale. Il repose au cimetière Saint-Louis-Robertsau, à Strasbourg.
Et pour en savoir plus sur une période littéraire chargée d’enjeux en Alsace:
Langue, culture, littérature, l’Alsace au coeur des débats
(photo : René Schickele sur le Pont du Rhin, 1930)