La « Grande lecture »  inaugurait fin avril Strasbourg Capitale mondiale du livre. Tout au long de l’année, la capitale européenne proposera un ensemble de manifestations, colloques ou encore rencontres autour du livre et de ses acteurs. Devant la médiathèque André Malraux, la place de la Liberté de Penser et d’Expression inaugurée en 2015 a parfaitement porté son nom en ce dimanche 28 avril. En voici quelques moments et une sélection d’ouvrages à découvrir.

Mettre des mots sur le pire, ne pas voir en noir ou blanc

Delphine Horvilleur a évoqué son recueil « Comment ça va pas : conversations après le 7 octobre«  : dix conversations réelles ou imaginaires entre l’auteure et sa douleur, Claude François, les antiracistes ou encore ses enfants, engendrées à la suite de l’attaque d’Israël par le Hamas le 7 octobre 2023. Elle se déleste ainsi du poids de la sidération et de la souffrance des autres. Elle a invité à réfléchir au sens des mots, à leur usage, à l’utilisation du mot « et » plutôt que « mais » dans les conversations, dans les prises de positions. Les mots comme une première forme de prise d’un recul nécessaire. Une citation d’Amos Oz à retenir : « Quand je suis 100% d’accord avec moi-même, alors j’écris un essai. Quand je sens en moi poindre le désaccord, j’écris un roman. »

Philippe Claudel en a écrit des romans, mais il a su parler des différentes formes d’écriture qu’il pratique, littéraire et cinématographique. Prix Renaudot en 2003 pour Les âmes grises, il a publié en 2022 un nouveau roman,  Crépuscule, une allégorie cruelle, sombre et inquiétante de l’âme humaine qui prend place dans une Europe imaginaire plus ou moins balkanique où se confrontent deux communautés. Ou comment la fiction invite à rechercher la nuance.

Le Pen Club et la défense de la liberté d’expression

Le Pen club français est une association qui promeut la liberté d’expression et de création et qui défend les droits des écrivains, journalistes, éditeurs, traducteurs, menacés ou emprisonnés dans le monde du fait de l’expression de leurs idées. A son initiative, quatre invitées ont échangé sur la liberté d’expression dans la littérature. Il faut dire que pour elles ce n’est pas de la théorie, mais une lutte au quotidien qu’elles décrivent avec tout l’engagement dont elles sont capables. Somaia Ramish est poète, écrivaine et militante des droits des femmes en Afghanistan et réfugiée aux Pays-Bas. Asal Abasian est une journaliste iranienne et une féministe queer qui milite depuis huit ans pour l’égalité des sexes et les droits LGBTQI+. La journaliste libanaise Marwa Olleik a été accueillie à Strasbourg récemment dans le cadre de son adhésion au Réseau international des villes refuges. Pinar Selek, sociologue antimilitariste et éco-féministe et autrice turque, est bien connue à Strasbourg également où elle est arrivée dans la tourmente en 2008. On pourra poursuivre la rencontre avec elle dans « L’insolente : dialogue avec Pinar Selek«  .

La liberté de l’écrivain

Sur un tel thème, Fatou Diome devait forcément être de la partie. L’autrice franco-sénégalaise installée à Strasbourg depuis 25 ans vient de publier « Le verbe libre ou le silence« , un plaidoyer pour la littérature et la liberté des écrivains contre tous les diktats sociaux et autres assignations à résidence identitaires. Elle signe un essai engagé sur sa passion de l’écriture et sur le monde de l’édition : un vibrant plaidoyer pour la littérature et la liberté des écrivains. Pourquoi devrait-elle toujours parler de l’Afrique, alors qu’elle a énormément de choses à dire sur tant d’autres sujets, en fine observatrice et critique de la société et du monde ?

Tous les invités de cette après-midi auront réussi à nous transmettre leur énergie et le désir de défendre ces si précieuses libertés de pensée et d’expression.

 

Photos de Laetitia Piccarreta.

Tout le programme de Strasbourg Capitale mondiale du livre est à retrouver sur Lire notre monde.