Lancé depuis ce début d’automne, le « Strasbourg Omnibus » a déjà fait plusieurs arrêts sous la houlette de son chef de bord, l’écrivain Velibor Čolić. L’occasion pour Myriades d’interviewer celles qui ont été les témoins privilégiées de ces rencontres, dont la grande première le 11 octobre dernier : les bibliothécaires Delphine et Maeva de la médiathèque de Lingolsheim.
Delphine, Maeva, pouvez-vous nous présenter le groupe que vous avez reçu ce jeudi 11 octobre ?
C’est un groupe de 6 personnes qui prennent des cours de Français Langue Etrangère (FLE) au Centre Socio-Culturel l’Albatros, à Lingolsheim. Ils étaient accompagné-e-s par la responsable du FLE, Romy, ainsi que par Maryse, la bénévole qui leur donne les cours. Nous sommes allé-e-s les rencontrer au CSC. Sur ces six personnes, cinq femmes et un homme (très réservé, qui n’a pas beaucoup parlé). Les femmes sont âgées de 30 à 45 ans et viennent de Tchétchénie, de Géorgie, d’Arménie, du Liban et de Syrie. Le monsieur âgé d’une soixantaine d’années est né aux Etats-Unis, de parents Irakiens.
La particularité de ce groupe, c’est que les personnes se rencontraient pour la première fois ! Ils n’avaient pas encore commencé les cours de français et se découvraient donc… et ça s’est très bien passé ! Deux dames sont reparties bras dessus bras dessous, déjà très complices.
Et Velibor, comment a-t-il établi le contact avec ce groupe très hétérogène ?
Il a une vraie facilité pour ça ! Il a commencé par se présenter et a de suite parlé de son passé de déserteur de l’armée bosniaque, qui a fui la guerre pour se réfugier en France… On a senti la pression et les appréhensions quitter le groupe : les barrières sont tombées très vite, Velibor les a mis-e-s en confiance car il s’est livré en toute sincérité, avec beaucoup de recul sur son histoire. Tout le monde se retrouvait un peu dans ce parcours de réfugié.
Il a ensuite fait un tour de table, pour que tout le monde se présente. Y compris les bibliothécaires et les accompagnantes : tout le monde au même régime ! Il a écouté les parcours de migration, l’arrivée en France. Puis a posé quelques questions supplémentaires, rééquilibré le temps de parole, … bref un vrai médiateur.
2 heures, c’est court ! Est-ce qu’il a pu revoir ce groupe une 2e fois ?
Oui, très court ! Nous avons donc revu ce groupe, cette fois à la médiathèque. Velibor tient beaucoup à faire de la publicité pour les médiathèques municipales, alors nous en avons profité pour leur en expliquer le fonctionnement, comment faire un abonnement, … c’est important de leur expliquer que ces lieux parfois intimidants sont libres d’accès, et remplis d’outils utiles pour leur apprentissage et leurs loisirs (méthodes de langue, dictionnaires, ordinateurs, …)
Lors de ce 2e rendez-vous, seules Rashaa, Nana et Malka ont pu revenir. Mais elles avaient encore beaucoup de choses à raconter ! Alors Velibor est revenu en détail sur leurs histoires. On l’a senti très touché quand Rashaa nous a raconté sa fuite de Syrie, où elle habitait une rue de Damas qui a été le théâtre des premières violences. Elle et son mari sont partis avec leurs quatre enfants (dont un bébé de 40 jours) pour un périple incroyable : le Liban d’abord, puis le Brésil, la Guyane et enfin la France métropolitaine… toute la famille a d’abord dormi dans la rue à Strasbourg, avant qu’un couple ne les en sorte, ému par leur sort. Nana la Géorgienne n’en revenait pas non plus : pour elle c’était plus simple car son mari travaillait déjà en France, elle a pu le rejoindre plus facilement.
On a remarqué aussi que Velibor prenait des notes sur leurs postures, leurs attitudes, comment elles bougeaient leurs mains, … des détails très utiles pour l’étape de rédaction !
Et pour la suite justement, vous pouvez nous en dire plus ?
Nous allons nous revoir une troisième fois fin janvier, car Velibor tient à affiner encore un peu les portraits. En attendant il commence déjà son travail d’écriture, et il est très enthousiaste !
Pour finir, y a-t-il un moment que vous retenez en particulier ?
C’était très émouvant de les voir se livrer peu à peu, grâce à l’écoute bienveillante de Velibor. Et parfois aussi plus léger, car certaines dames ont beaucoup d’humour ! Par exemple quand, lors de la première rencontre, Velibor a demandé aux participant-e-s de parler d’un plat emblématique de leur pays d’origine. Nana nous a alors toutes et tous fait saliver en évoquant le Khinkali, ce ravioli géorgien qui est généralement farci de viande. A la cuisson, il se gonfle de bouillon. Le mélange des saveurs éclate alors en bouche quand on croque dans la pâte !
Nana a insisté sur un point pri-mor-dial : pour qu’un khinkali soit réussi, il faut pincer la pâte 25 fois pour bien fermer le ravioli ! Et quand on sait « qu’un vrai homme en mange au moins 40 »…
D’ailleurs pour en savoir plus, vous pouvez jeter un œil par là :
http://next.liberation.fr/vous/2012/07/23/le-khinkali-ne-fait-pas-un-pli_835080
Et pour la recette, c’est par ici :
https://leblogdecata.blogspot.fr/2017/10/khinkali-ravioli-georgien.html
Un grand merci à Delphine et Maeva ! Bon appétit bien sûr, et à bientôt pour d’autres nouvelles du Strasbourg Omnibus…