L’automne est assurément la saison des prix littéraires et cela concerne aussi la littérature européenne. Toutefois, certains pays européens ont pris de l’avance.
Du coté de la Méditerranée
L’ Espagne est le premier pays à décerner ses prix littéraires. C’est le 6 janvier, jour de l’épiphanie, qu’est remis le prix Nadal qui récompense le meilleur livre écrit en espagnol. Cette année c’est la journaliste et écrivaine Inés Martín Rodrigo qui s’est vue remettre le célèbre prix pour son livre Las formas del querer (« Les formes du pouvoir« , non traduit en français à ce jour)
L’ autre célèbre prix espagnol, le prix Cervantes, récompense un auteur de langue espagnole pour l’ensemble de son œuvre. C’est une écrivaine uruguayenne, Cristina Peri Rossi, qui a dernièrement bénéficié du célèbre prix.
En Italie, le prestigieux prix Strega a été décerné début juillet à Mario Desiati pour son roman Spatriati.
Cet écrivain, journaliste et poète originaire de la région des Pouilles n’a encore jamais été traduit en France. Spatriati signifie « sans terres », « sans patrie ». L’histoire du livre se déroule entre les Pouilles et Berlin et met en scène deux amis depuis l’adolescence. Francesco est peu sûr de lui, tandis que Claudia est rebelle et déterminée, ouverte au monde et aux expériences de la vie. Claudia quitte le pays et va vivre à Londres, Milan, Berlin. Francesco, quant à lui, ne peut s’arracher aux Pouilles et, à travers les histoires de Claudia, tente de se construire une identité.
En septembre, le prix Campiello, autre célèbre prix littéraire italien, a été décerné à Giulia Caminito pour son livre L’acqua del lago non è mai dolce traduit en français sous le titre L’eau du lac n’est jamais douce. Ce roman d’apprentissage relate le parcours de Gaia, une jeune fille italienne des années 2000 qui vit avec sa mère, femme fière et têtue qui s’occupe d’un mari handicapé et de quatre enfants. Pauvre et honnête, cette dernière ne fait pas de compromis et croit au bien commun. Pourtant, elle inculque à sa fille le seul principe qui vaille : ne compter que sur ses propres capacités. Et sa fille apprend : à ne pas se plaindre, à lire des livres, à se défendre, toujours hors de propos, hors de la mode, hors du temps. Mais sa violence, tapie tel un serpent, ne cesse de grandi.
La jeune autrice de 33 ans a déjà vu de de ses romans traduits en français, Un jour viendra, qui relate là aussi l’histoire d’une famille dysfonctionnelle dans la région des Marches italiennes, juste avant la guerre.
Enfin, plus récemment le prix du livre européen a été attribué à Antonio Scurati pour sa saga historique sur la montée du fascisme en Italie M, l’homme de la providence. Les deux premiers volumes de la saga M sont traduits en français et disponible à la médiathèque. Ce deuxième volume de la saga sur Mussolini décrit les premières années du Duce au pouvoir et la mise en place d’une mécanique fasciste tentaculaire. Il met en scène les relations compliquées que l’homme politique entretient avec ses enfants, légitimes ou illégitimes et ses nombreuses maîtresses. Le troisième tome de cette fresque historique et biographique paraitra en italien courant 2023.
Du coté de l’ Europe Centrale
En Belgique, le Prix Rossel a été attribué en octobre à Stéphane Lambert pour son livre L’ Apocalypse heureuse. Un jour, alors qu’il se rend chez son thérapeute, S. Lambert découvre que l’immeuble dans lequel il se trouve est celui de son ancien abuseur, trente ans plus tôt. A partir de cette expérience, il raconte son enfance, les traumatismes et le chaos.
Le prix de la Fédération Wallonie-Bruxelles a récompensé ce 21 novembre l’auteur Kenan Görgün pour son roman Le second disciple qui traite de la conversion et de la radicalisation en prison. Le prix de la première œuvre en langue française a, lui, été attribué à Emmanuelle Dourson pour Si les dieux incendiaient le monde. qui relate le destin d’une famille du point de vue de la mère, morte noyée plusieurs années auparavant.
Coté allemand, le Deutsche BuchPreis a été remis le 17 octobre a l’auteur.e suisse Kim de L’Horizon pour son livre BlutBuch (non traduit en français pour le moment).
Ce prix récompense chaque automne un livre en langue allemande (d’écrivains allemands, autrichiens ou suisses)
L’auteur.e. non binaire a fait sensation lors de la remise du prix puisqu’iel s’est rasé.e la tête sur scène en soutien aux femmes iraniennes.
La question du genre est très présente dans son roman. Pour en savoir plus sur son travail d’écriture vous pouvez visionner son interview sur ARTE
Un peu plus à l’est, en République Tchèque, c’est le prix national de littérature tchèque qui a été remis récemment à Kateřina Tučková.
Son roman, Bilá voda (« Eau blanche ») a nécessité 10 ans de travail selon l’écrivaine. Elle y raconte la persécution des religieuses par le régime communiste tchécoslovaque et leur internement dans le village de Bílá voda, à la frontière avec la Pologne. Son livre sera disponible en français à partir du mois de mars, de même que son précédent roman Les déesses de Žítková.
En Géorgie, le jeune auteur Iva Pezuashvili a remporté l’EUPL, le Prix européen de littérature, avec son dernier roman, « Un vide-ordures ». Il s’agit d’une saga sur une famille simonienne qui fuit la guerre au Karabakh pour se réfugier à Tbilissi, ville de corruption, de violence et de politique sale. Une histoire qui se déroule en l’espace de 24 heures, avec tous les conflits, drames et défis qui s’abattent sur la famille en même temps.
Concernant la littérature anglophone et nordique
Outre Manche, le célèbre Booker Prize récompense chaque année une fiction écrite en anglais.
Mi octobre c’est l’auteur Sri Lankais Shehan Karunatilaka qui s’est vu remettre le prestigieux prix pour son roman The Seven Moons of Maali Almeida. (non traduit en français à ce jour). Dans ce livre, l’écrivain relate avec humour noir une affaire de meurtre qui se déroule à Colombo dans les années 1990 sur fonds de guerre civile.
Du coté de la littérature scandinave, le jury du Nordic Council Literature Prize a distingué le 1er novembre l’écrivaine danoise Solvej Balle pour les 3 premiers volumes de sa septologie « Om udregning af rumfang I, II och III » (« Sur le calcul du volume I, II et III« ). Les deux premiers tomes seront publiés chez Grasset en 2024. Solvej Balle est peu connue en France. Elle a publié son premier livre en 1986 et son seul ouvrage paru en français est une nouvelle : En vertu de la loi : quatre récits sur l’homme .
Le 1er tome de la septuologie pour laquelle elle vient d’être récompensée raconte l’histoire d’une femme qui découvre qu’elle est coincée dans une journée d’un 18 novembre, qu’elle revit inlassablement, alors que son conjoint ne s’en rend pas compte. Cette situation a des conséquences sur la vie du couple. Dans le 2ème tome, « la question du temps, au sens de la météo, rentre en jeu », détaille son éditeur français. La protagoniste a besoin de ressentir la variation des lumières, de la chaleur, de la météo pour ne pas devenir folle. Elle essaie de voyager à travers le monde pour revivre différemment sa journée du 18 novembre.
Certains de ces livres devraient rejoindre prochainement le fonds de livres en langues originales de la médiathèque Malraux, en attendant de voir leurs traductions en français disponibles.