Comme chaque année en mars, c’est le Printemps des Poètes ! Pandémie oblige la manifestation s’est réinventée, en témoigne cette série de courts-métrages poétiques tournés dans le Palais des Papes d’Avignon. Un Palais vidé de ses spectateurs mais magnifié par la voix de Marina Hands, marraine d’une édition placée comme chaque année sous le sceau d’un unique mot : « Désir ».
« Désir », voilà qui pourrait caractériser celles et ceux qui sont appelés « les nouveaux aèdes » par l’hebdomadaire Livres Hebdo dans un bel article (malheureusement réservé aux abonnés). De jeunes poètes et poétesses, bien souvent engagé-e-s dans les luttes de leur époque et dont les œuvres hybrides séduisent de nouveaux publics. Sommes-nous face à une révolution poétique ? Un phénomène lié aux réseaux sociaux ? Ou bien une poésie qui se réinvente constamment, humant l’air du temps tout en abordant des thèmes intemporels ?
Pas de réponse dans ce billet, mais quelques pistes poétiques à explorer selon vos envies. Toutes, bien sûr, sont disponibles dans vos médiathèques préférées ! En attendant de pouvoir, qui sait, les savourer en vrai…
Rupi Kaur
On commence avec Rupi Kaur, la papesse de ces « instapoètes » : elle est suivie par 4 millions d’abonnés sur les réseaux sociaux ! Son premier recueil, Lait et miel, est un phénomène d’édition rafraîchissant : « une poésie autobiographique destinée à aider, à guérir d’autres jeunes femmes », selon son éditrice Claire Dô Serro (éditions Nil, 2014). La Canadienne originaire d’Inde a un style bien reconnaissable : pas de majuscules (en hommage au punjabi, sa langue maternelle), pas de ponctuation et une illustration pour chaque poème. Un style souvent raillé car jugé trop simpliste, mais qui a une influence considérable sur le monde des lettres nord-américaines.
quand le monde s’écrase à tes pieds
tu as le droit de laisser les autres
t’aider à ramasser les morceaux
si nous sommes présents pour participer à ton bonheur
quand la vie te sourit
nous sommes d’autant plus capables
de partager ta douleur
Elvira Sastre
On continue avec l’écrivaine et traductrice espagnole Elvira Sastre, qui écrit depuis l’âge de 12 ans. Elle développe dans son œuvre des thématiques similaires, centrées sur les rapports amoureux, la sororité. La poètesse diffuse largement ses poèmes lors de festivals, conférence ou via son compte intagram et multiplie les projets protéiformes : collaboration avec des illustratrices, spectacles poétiques avec chanteurs et musiciens… Adoubée par le poète et essayiste Benjamín Prado, Elvira Sastre a également traduit en espagnol Oscar Wilde, Rupi Kaur (tiens, tiens) ou encore le premier roman de la chanteuse Lana del Rey.
Ocean VUONG
Pour finir, une autre révélation des lettres américaines. Ocean Vuong, lui dont le nom est déjà un poème est le fils d’une métisse vietnamienne, obligée de fuir son pays en 1990. Il aborde de front les thèmes de l’identité, de l’homosexualité, du plaisir, des discriminations. Après un recueil de poèmes remarquables (Ciel de nuit blessé par balles, éditions Mémoires d’encrier – 2018), son roman autobiographique qualifié par le Washington Post de « roman de l’année 2019 » vient d’être publié en France : Un bref instant de splendeur (Gallimard – 2020). Sa poésie est crue, brutale, sensuelle : un vrai choc…
Quand ils te demandent
d’où tu viens,
dis-leur que ton nom
a pris forme dans la bouche édentée
d’une femme de guerre.Que tu n’es pas né
que tu as plutôt rampé, tête première,
jusqu’au ventre des chiens affamés. Mon fils, dis-leur
que le corps est une lame qui s’aiguise
en coupant.
On pourrait également citer Amanda Gorman, jeune poétesse qui a fait sensation lors de l’investiture du président étasunien Joe Biden ; les françaises Cécile Coulon et Kiyémis ; l’australienne Lang Leav… une génération qui mélange militantisme et « instapoésie » sans complexe !