Tout le monde connaît Peter Pan, ce fameux personnage espiègle qui ne veut pas grandir. La « Rétrospective dessinée Régis Loisel » présentée à la médiathèque André Malraux jusqu’en septembre permet de voir quelques unes des planches d’une non moins fameuse adaptation en bandes dessinées : publiée de 1990 à 2004, la série « Peter Pan », créée par Régis Loisel, est une adaptation plus sombre que d’autres de cette œuvre magistrale de la littérature. Voici une belle occasion de voleter autour de Peter Pan, comme la fée Clochette, et de trouver dans nos collections de quoi satisfaire votre curiosité…

Peter Pan, le point de départ

Peter Pan est un personnage de fiction britannique créé par James Matthew Barrie, apparu pour la première fois dans le roman Le Petit Oiseau blanc en 1902, puis dans la pièce du même nom, et ensuite dans la pièce Peter et Wendy (1904), plus connue sous le titre « Peter Pan », jusqu’à la publication en roman en 1911. Le personnage et l’œuvre ont ensuite été adaptés à de nombreuses reprises au théâtre, au cinéma, ou encore en bande dessinée.

Le Petit Oiseau blanc ou Aventures dans les jardins de Kensington est en fait deux romans enchâssés l’un dans l’autre retraçant l’histoire d’un célibataire endurci, le capitaine W., et celle de la naissance de Peter Pan. Le capitaine emmène un petit garçon nommé David pour un voyage imaginaire dans le passé. Mary A., la mère du garçon, n’a jamais rencontré le capitaine qui est pourtant l’artisan de son bonheur. La préface de la traductrice Céline-Albin Faivre nous en apprend beaucoup sur J.M. Barrie. Pour approfondir c’est  J. M. Barrie : le garçon qui ne voulait pas grandir, de François Rivière, qu’il faudra lire.

Peter Pan dans les jardins de Kensington est une partie du roman Le petit oiseau blanc. En 1907, J.M. Barrie en a confié le cœur, la première apparition de Peter Pan, à Arthur Rackham, aquarelliste reconnu et illustrateur, pour qu’il lui donne une dimension picturale et fantastique qui fait de cet ouvrage un hymne au personnage de Peter Pan.

 

Je suis… ta mère ?

L’histoire comme on la connaît : c’est vendredi soir, la voie est libre pour Peter Pan, le petit garçon qui refuse de grandir : M. et Mme Darling sont absents et la chienne Nana, qui tient lieu de nurse à leurs enfants Wendy, John et Michael, a été enchaînée dans le jardin. Venu récupérer son ombre abandonnée lors d’une précédente visite, Peter se trouve face à Wendy. Avide des histoires qu’elle pourra lui raconter et du rôle de mère, fantasmé, qu’elle pourrait accomplir, il la persuade de le suivre jusqu’au Pays imaginaire (Neverland).

Retour à la forme première, le théâtre. Parmi un certain nombre d’adaptations, citons Peter Pan ou le petit garçon qui haïssait les mères. Tout le monde connaît ou croit connaître Peter Pan, ce petit garçon étrange qui refuse de grandir et qui veut passer sa vie à s’amuser. L’adaptation d’Andrew Birkin résulte de sa profonde connaissance des différents textes de J. M. Barrie dans lesquels Peter Pan apparaît. Elle est nerveuse, profonde, insolente et accentue l’idée que la première dimension de cette histoire est un jeu d’enfant.

A ne pas négliger, Portrait de Margaret Ogilvy par son fils, la biographie fictive de sa mère par son propre fils, modèle de toutes les créatures féminines de son œuvre, à la fois fée, sorcière et sirène. Cela donne une idée du personnage – de l’auteur du moins.

Wendy aussi inspire : dans Tout le ciel au-dessus de la terre : le syndrome de Wendy. Pour la dramaturge Angélica Liddell, Wendy est celle que Peter Pan emmène sur son île. Ici, l’île ne s’appelle pas Neverland, mais Utoya, l’île de Norvège où soixante-neuf jeunes gens, tombés sous les balles d’Anders Breivik en 2011, furent condamnés à ne pas vieillir.

 

Peter Pan, mythique et inspirant

« La leçon de James Matthew Barrie est implacable : renoncer à l’enfance est terrible ; renoncer à grandir est terrible. La tragédie de Peter Pan réside dans ce dilemme ; mais, en vérité, à la lecture de ce conte, le lecteur comprendra que cet enfant des limbes ne peut choisir : il est condamné à ne jamais grandir, car il n’est pas un véritable petit garçon ; il est semblable à l’une de ces fleurs séchées qui tombe soudain des pages d’un livre longtemps oublié. Il est l’enfant d’un rêve — le nôtre — qui, jamais, ne peut être contemplé en plein jour. » (préface Terre de Brumes). Peter Pan est aussi un livre sur la mort, très présente dans l’œuvre, sous différentes formes, et indirectement notamment par l’oubli.

Enfances rêvées : Alice, Peter Pan… nos nostalgies et nos tabous de Jackie Wullschläger illustre l’importance littéraire et mythique de la tradition de l’enfance de rêve et la place centrale du regard adulte sur l’enfant dans l’imaginaire européen, regard partagé entre la nostalgie et les tabous. Toujours est-il que Peter Pan a donné son nom à un syndrome, mais que plus généralement le personnage se rattache au concept d’enfant intérieur ou d’enfant éternel.

L’art de se prendre les murs : une nouvelle vision de Peter Pan de Guilhem Meric est un bon exemple de réécriture inspirée ! En ce 1er avril personne ne prend au sérieux la naissance de Charlie Gabian. Entre surprenantes fées Clochette et terribles capitaines Crochet, Charles cherche son Pays imaginaire. Cette transposition au XXIe siècle de ce roman fantastique est accompagnée de la nouvelle qui a inspiré le roman original.

Comment Régis Loisel s’est approprié Peter Pan

Et voici Peter Pan en bande dessinée. En 6 épisodes, Loisel nous livre sa propre vision du mythe de Peter Pan. Vision « très librement inspirée des personnages » originaux, comme l’annonce l’auteur en page de garde.

« La création est un acte délicat. Elle l’est plus encore lorsqu’il s’agit de donner une nouvelle vie à un personnage aussi mythique que Peter Pan. Régis Loisel s’est pourtant attelé à la tâche avec grâce et humilité, mêlant ainsi les ambiances féeriques et lumineuses de James Matthew Barrie aux atmosphères londoniennes sombres mais romantiques de Dickens. Non content de s’approprier avec brio un classique de la littérature, Loisel fit entrer le lecteur ébahi dans les méandres tourmentés de la psychologie humaine, maniant avec honnêteté des notions délicates et taboues, comme la maternité non assumée, la violence des enfants, la vengeance, le complexe d’Œdipe… Peter Pan est une série emblématique et un incontournable de la bande dessinée. » (Ed. Vents d’ouest)

En complément on pourra lire Loisel dans l’ombre de Peter Pan, entretiens réalisés par Christelle Pissavy-Yvernault : à travers l’histoire de l’attachement au personnage de Peter Pan, Régis Loisel remonte dans cette série d’entretiens le fil de son enfance et explique son art.

 

RÉGIS LOISEL, EXPOSITION RÉTROSPECTIVE DESSINÉE
Jusqu’au 17 septembre, la Médiathèque André Malraux présente une rétrospective des œuvres de Régis Loisel, grand nom de la bande dessinée depuis près de 50 ans.