Le Rapport de Brodeck de Manu Larcenet
Il est des romans qui s’adaptent facilement, d’autres moins… Pour son premier essai,  Manu Larcenet a choisi une œuvre de Philippe Claudel, mais pas la moindre. Ce choix ne surprend cependant pas : Le Rapport de Brodeck est tout autant sombre, torturé, angoissant que son œuvre précédente, Blast.
Un personnage en particulier participe activement à cette ambiance hostile, menaçante, tendue et presque malsaine : la forêt. Inerte et pourtant menaçante, étendant ses ombres inquiétantes dans les paysages monochromes.
Le roman de Philippe Claudel avait été, lors de sa parution, un choc de par son scénario (assez dérangeant il faut l’avouer). Manu Larcenet, en s’appropriant le roman, y ajoute une dimension graphique qui apporte un souffle nouveau. Son dessin d’une rare puissance, s’appuyant sur le contraste noir/blanc,  nous plonge dans les abîmes de la nature et de l’âme humaine.
Une âme humaine dans ce qu’elle comporte de plus sombre… Campagne allemande après la Seconde Guerre Mondiale, un fonctionnaire, Brodeck, se voit chargé (et contraint) par les habitants du hameau de rédiger un compte-rendu de la disparition – exécution dissimulée – de « der Anderer », un étranger venu s’installer dans  ce coin perdu. Brodeck se retrouve entre le marteau et l’enclume, tiraillé entre les pressions extérieurs et sa conscience.
L’œuvre devient une ode à une nature sauvage, magnifiée, confrontée à la petitesse des hommes, thème récurrent du courant pictural allemand qu’est le Romantisme et notamment de son chef de file, Gaspard David Friedrich. L’influence des gravures  de l’expressionniste allemand Ernst Ludwig Kirchner, se ressent également dans le trait et les jeux de noir et blanc.
Feuilleter quelques pages
Récit d’une grande noirceur, terriblement efficace, Le Rapport de Brodeck a valu à Manu Larcenet, une mention spéciale de la part des libraires des réseaux Canal BD et Album, lors de la remise du prix des libraires BD en juin 2015. Pour mémoire, l’artiste avait déjà été lauréat du prix des libraires BD en 2010 pour Blast, chef d’œuvre que nous recommandons aux lecteurs (avertis…).
DaaKi.