Cette année, en raison du contexte sanitaire, les Nuits de la lecture furent essentiellement virtuelles. C’est dans ce cadre qu’a été enregistrée vendredi dernier à la médiathèque Malraux une belle rencontre entre deux auteurs strasbourgeois sur le thème du voyage immobile, en vue d’une diffusion sur la chaîne Youtube des médiathèques et les réseaux sociaux. Claire Audhuy, dramaturge et metteuse en scène, fondatrice de la compagnie Rodéo d’âme et Jean-Marc Collet, ancien militaire de carrière reconverti en poète et éditeur ont échangé et partagé leurs expériences de voyages à l’Est.
S’il est difficile de voyager actuellement, les deux intervenants nous ont fait rêver en relatant leurs souvenirs de périples et de rencontres, nous rappelant aussi que la littérature est un merveilleux moyen d’évasion.
A la rencontre des peuples de l’Est
Claire Audhuy est engagée depuis longtemps dans la transmission de la mémoire et s’intéresse particulièrement à l’Europe de l’Est. Elle a effectué de nombreuses « résidences » et réalisé un voyage de 16 000 km dans les pays de l’Est à bord d’un mini-van dans lequel elle aménagea un studio d’enregistrement. Le but ? Echanger avec les habitants, rechercher la mémoire enfouie d’un pays ou d’une région et mettre en lumière des parcours de vie. Ce « Bulli tour Europa » donna lieu à un livre et à un film. Elle nous a ainsi parlé avec passion de ce périple et de ces rencontres à la recherche des « témoins » d’un passé pas si lointain. L’objectif était d’inviter à la réflexion sur les mémoires européennes.
C’est encore notre mémoire collective qu’elle interroge lorsqu’elle nous a parle de l’exil forcé d’un jeune tchèque de 13 ans, Hanus Hachenbourg, déporté en 1943, qui, durant sa détention, écrit de merveilleux poèmes et d’émouvantes pièces de théâtre. Claire Audhuy a d’ailleurs réédité ces textes dans On a besoin d’un fantôme.
Exilé malgré lui, la littérature était devenu pour le garçon un véritable moyen de survie. La metteuse en scène a lu, entre autres, un poignant poème sur l’exil contraint de ce jeune garçon intitulé « Ma Terre ».
L’Ermitage comme un voyage intérieur
Enfin, intriguée par les gens qui choisissent de vivre en retrait de toute civilisation, la jeune femme s’est intéressée aux ermites, allant à leur rencontre pour essayer de comprendre leurs motivations et leurs modes de vie. Elle nous a ainsi parlé de cet artiste qui vit en retrait dans un village fantôme de Transylvanie, d’une famille ayant vécu loin de la civilisation au fonds de la taïga, dans des conditions extrêmes, pendant 50 ans dont elle a rencontré l’unique descendante, ou encore de cet homme qui résida reclus durant presque 30 ans dans une forêt américaine.
L’auteure nous a raconté ensuite avec passion et humour ses « retraites » ponctuelles en des lieux plus proches mais isolés, nous lisant notamment un texte qu’elle a écrit durant une retraite d’un mois dans un refuge vosgien, à l’hiver 2019.
« Je suis venue écouter la respiration de la forêt »
« Serai-je tout simplement en jachère avant la nouvelle année?«
Les voyages, sources d’inspiration poétique
Après trente années passées dans l’armée, Jean-Marc Collet se lance il y a quelques années dans la poésie et créé ensuite sa propre maison d’édition à Strasbourg, Vibration, proposant des collections de poésie, de théâtre mais aussi de fiction, dont des romans policiers. Il est lui même l’auteur de 4 recueils de poésies.
Un parcours pour le moins atypique pour ce grand voyageur chez qui la passion de l’écriture est venue tardivement. Ses séjours à l’étranger l’ont profondément marqués et il rend compte de ses impressions de voyage dans ses écrits poétiques. Ses poèmes sont notamment influencés par l’oeuvre de Blaise Cendrars et de Ossip Mandelstam.
Une passion russe
Passionné de voyages avec une appétence particulière pour la Russie, Jean-Marc Collet a partagé ses souvenirs de voyages au lac Baïkal en plein hiver ainsi que ses impressions de voyage en train dans le transsibérien, entre Moscou et Irckousk.
Le poète a lu, entre autres, deux textes écrits après sa traversée du lac Baïkal : « Les quatre saisons du fleuve Amour » et « La glace ».
Avis aux amateurs et aux russophones : cet attachement à la Russie se concrétise dans l’attention portée à la traduction ainsi qu’aux parutions bilingues. Les collections « Poésie russe (bilingue) » et « Théâtre russe (bilingue) » ont déjà exploré entre autres Maïakovski ou Marina Tsvetaeva.
Claire Audhuy et Jean-Marc Collet ont étayé leurs échanges et lectures de nombreuses anecdotes, relatées avec humour et enthousiasme, rendant leurs récits tout à fait passionnants. Vous pouvez réécouter la rencontre ici :(durée 1 h)
Les références citées pendant cette rencontre :
Aux frontières de l’oubli / Baptiste Cogitore . – Mediapop, 2016
On a besoin d’un fantôme / Hanus Hachenburg
Des nouvelles d’Agafia / Vassili Peskov . – Actes Sud, 2009
Le dernier ermite l’histoire incroyable d’un homme qui a vécu seul pendant 27 ans dans les forêts du Maine / Michael Finkel – . 10/18, 2019
Les livres de Jean-Marc Collet disponibles dans les médiathèques :
Dans la déchirure de mes nuitamment
Contraction : silencieusement trématisé
9 livres de Claire Audhuy à retrouver dans les médiathèques