Le 24 mai c’est la fête de l’écriture cyrillique, de la culture et de l’éducation en Bulgarie ! C’est une fête importante dans ce pays et un jour férié. L’ occasion pour nous de faire un point sur la littérature bulgare. Cela tombe bien puisqu’au cours du mois d’avril l’Institut Culturel Bulgare à Paris nous a fait parvenir gracieusement trois livres d’auteurs contemporains : un roman, un recueil de poésie et un essai. Cette opération s’est faite dans le cadre du projet Voyage des livres bulgares qui vise à populariser la littérature bulgare contemporaine en France en envoyant trois livres à cinquante bibliothèques françaises.

A la médiathèque Malraux, nous avons reçu le roman Les cosmonautes ne font que passer d’Elitza Guerorguieva, un recueil de poésie de Aksinia Mihaylova intitulé Le baiser du temps et un essai sur Simone De Beauvoir de Julia Kristeva. Vous pourrez prochainement découvrir ces livres dans notre fonds.

Dans le cadre de cette action de promotion de la littérature bulgare, deux interviews croisées ont été réalisées ! En ce qui nous concerne, nous avons saisi cette occasion pour poser quelques questions à la directrice de l’Institut Culturel Bulgare, Mme Desislava Bineva, qui a gentiment accepter de nous répondre par écrit. De son coté, l’Institut Culturel Bulgare a été sollicité par une importante chaine de télévision bulgare (BTV) pour un petit reportage sur leur action et nous a demandé de présenter rapidement notre fonds. C’est ainsi que la médiathèque Malraux de Strasbourg apparaît au journal télévisé bulgare !
>>> Vous pouvez visionner le reportage ici.

 

Interview de Mme Bineva,
directrice de l’Institut culturel Bulgare

 

Pourriez-vous nous présenter brièvement l’Institut culturel bulgare et vous présenter par la même occasion ?

Desislava Bineva, directrice de l’Institut Culturel Bulgare. (Photo fournie par l’I.C.B.)

Desislava Bineva : << L’institut culturel bulgare est notre petit espace de rencontres et d’échanges entre amis de l’art et de la culture bulgare, au cœur même de Paris. Nous prenons beaucoup de plaisir à travailler avec le public français qui est extrêmement curieux et s’intéresse aux nouveautés.
Nous présentons le travail de différents artistes, des nouveaux noms qui travaillent dans le monde de la musique, de la danse, des arts visuels ou de la photographie. Mais nous essayons également de faire découvrir aux amateurs d’art des bulgares célèbres sur un plan international tels que Christo, la soprano mondialement connue Sonya Yoncheva, le nominé aux oscars Théodore Ushev et le violoniste Svetlin Roussev.

Je suis directrice de l’Institut depuis maintenant deux ans et m’efforce d’élargir notre activité vers de nouveaux partenariats avec un maximum d’institutions françaises, festivals et autres organisations. Nous avons d’ailleurs eu de très beaux projets avec le festival Les Francofolies de La Rochelle, la Mairie de Paris, le festival d’animation à Annecy, l’UNESCO et, en ce moment même, avec 50 bibliothèques dans toute la France.
Pour résumer, je souhaiterais que notre travail soit un message positif de la Bulgarie à travers notre art. >>

Quelle place donnez-vous à la littérature dans vos actions?
Comment vous est venue l’idée de la campagne « Voyage des livres bulgares » ?

D.B. : << Au quotidien nous maintenons le contact avec les traducteurs et éditeurs de littérature bulgare en France, organisons des événements littéraires et invitions des auteurs bulgares qui présentent leurs œuvres. Malheureusement, la crise sanitaire et les restrictions ont en grande partie modifié nos rencontres avec le public qui se sont déplacés vers les plateformes digitales.
Mais je pense que les gens sont fatigués des concerts et films sur écrans. Le livre semble être finalement la seule rencontre « vivante » avec la culture. C’est pour cela que nous nous sommes dits : Très bien, puisque notre public ne peut pas venir à notre rencontre, alors nous allons tout faire pour arriver à eux.  C’est ainsi qu’est né notre projet «  Voyage des livres bulgares » en France, en partenariat avec 50 villes françaises qui ont inclus des œuvres bulgares à leurs collections.>>

Est-ce la première édition de cette manifestation ?
Quelles actions sont menées à cette occasion ?

D.B. : <<Oui, c’est bien la première édition et nous espérons que ce soit le début d’un partenariat avec ces villes qui va perdurer dans le temps. Plusieurs œuvres publiées en langue française sont arrivées auprès de nouveaux lecteurs dans les bibliothèques de Strasbourg, Nice, Paris, Toulouse, Lyon, Marseille, Dijon, Valence, Brest, Cannes, Perpignan, Mâcon, Nancy, Lille, Bordeaux, Rennes, Avignon, Pau etc. Ces villes, mais également des dizaines de centres littéraires, sont devenus les partenaires du projet de l’Institut culturel bulgare à Paris. Dans « LE VOYAGE DES LIVRES BULGARES » ont étaient sélectionnés des écrivains qui travaillent dans des genres différents et font partie des nouveaux artistes bulgares les plus connus de la scène littéraire internationale. Ainsi, Gueorgi Gospodinov, Viktor Paskov, Zahari Karabashliev, Kapka Kasabova, Ruja Lazarova, Aksinia Mihaylova, Zdravka Evtimova, Théodora Dimova, Julia Kristeva, Tsvetan Todorov, Elitsa Georgieva, Velina Minkova et d’autres sont déjà arrivés auprès des lecteurs en France.
Nous sommes particulièrement touchés par les retours positifs sur cette campagne et leur confiance.>>

La littérature bulgare est peu représentée en France, peu traduite. Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur l’actualité littéraire en Bulgarie ? Des thèmes, des genres dominants, les auteurs les plus populaires ?

D.B. : <<En fait, au cours des dernières décennies, la littérature bulgare a suscité un intérêt croissant de la part des éditeurs et des lecteurs en Europe et dans le monde. Ces deux dernières années, plus de vingt œuvres d’écrivains bulgares ont été traduites ainsi que plusieurs publications d’anthologies de poésie et de prose bulgares contemporaines.

Dans un contexte de nouvelles opportunités, après 1989, la nouvelle littérature bulgare est devenue beaucoup plus franche, sincère et personnelle. Les sujets ont été envahis par le quotidien, les contradictions de l’homme moderne constamment confronté à la nécessité de transformer les illusions et les limites personnelles et sociales.
Il était inévitable que la vision du passé change également. De nouveaux auteurs sont apparus, sans affiliations idéologiques. Ils sont allés au-delà de la démagogie, ont introduit de nouvelles intrigues et de nouvelles formes littéraires et cela a donné un visage au postmodernisme bulgare qui s’est fortement renforcé au cours de la dernière décennie du siècle dernier.

Aux côtés d’auteurs bulgares de renommée internationale tels que Julia Kristeva, Tsvetan Todorov, Gueorgui Gospodinov, Aksynia Mihailova, traduits dans différentes langues et lauréats de prix littéraires internationaux, de nouveaux écrivains avec des œuvres extrêmement intéressantes qui attirent l’attention des lecteurs: Zdravka Evtimova,  Ruja Lazarova, Elitsa Georgieva, Velina Minkof, Zahari Karabashliev, Alek Popov, Theodora Dimova …>>

Quel est votre roman bulgare préféré? Que vous a-t-il apporté ?
Et votre roman français préféré?

Pour moi, chaque livre est un monde à part, magique, dans lequel nous nous plongeons et nous mettons à vivre une vie différente de la nôtre.  Les livres et les mots ont une énergie invisible, une empathie plus importante encore en ce temps de crise. C’est sûrement pour cela, que c’est difficile pour moi de n’en citer qu’un. Chaque nouveau livre est un espace de découverte, un nouveau monde  que je découvre avec curiosité et plaisir. Je lis souvent d’ailleurs plusieurs livres à la fois. En ce moment par exemple, j’ai sur ma table de chevet le roman de Patrick Modiano Un cirque passe et Naissance de l’art contemporain de Béatrice JoyeuxPrunel .
Je relis régulièrement des passages de  Physique de la mélancolie  d’un de mes auteurs bulgares contemporains préférés, Guéorgui Gospodinov, également traduit en français.

Le 24 mai a lieu une fête bulgare :  la journée de l’écriture cyrillique et de la culture bulgare. A cette occasion, avez-vous un souvenir personnel à partager?

Pour moi et pour de nombreux bulgares la fête des lettres, de l’écriture et de la littérature est une des plus belles fêtes bulgaresElle ne célèbre pas une bataille ou des conquêtes mais bien l’esprit et l’intelligence.  Le cyrillique est le troisième alphabet officiel de l’Union Européenne, après le latin et le grec. Il est actuellement utilisé par plus de 300 millions de personnes dans 10 pays différents. C’est à partir de la Bulgarie, que l’alphabet commence à se répandre parmi les autres nations slaves.

C’est peut-être pour cela qu’un de mes meilleurs souvenirs – autant professionnel, que personnel- est lié à cette fête. En 2019, nous avons réalisé à Paris le projet « Les Lettres bulgares», qui avait également pour but de populariser la littérature bulgare et notre alphabet – le cyrillique. C’était une grande art-installation, disposée sur la célèbre promenade en bords de Seine, coté rive gauche, aux pieds du pont des Invalides.  7 lettres de l’alphabet bulgare, qui n‘ont pas leur équivalent dans l’alphabet latin ou grec, sous forme de bancs étaient exposés dans le milieu urbain – Б, Ж, З, Ц, Ч, Щ, Ъ.   A chaque banc était rattaché un cartel avec une poésie bulgare traduite, afin de faire connaître certaines des œuvres des poètes contemporains majeurs de la culture bulgare. Selon les donnés de la Mairie de Paris, au cours des 4 mois pendant lesquels ces bancs sont restés sur les berges, plus de 800 000 personnes ont eu la possibilité de les voir. Chacun d’entre eux a pu aussi lire de la poésie contemporaine bulgare.
Je suis heureuse que cela place « Les Lettres bulgares » parmi les projets culturels bulgares les plus vus et accessibles, réalisés en France.

bancs en forme de lettres cyrilliques (photo fournie par l’I.C.B.)

Merci à Mme Bineva d’avoir bien voulu répondre à nos questions !