Ici et là sur des sites littéraires ou d’actualité, vous aurez probablement entendu parler de la Biélorussie pour la période trouble qu’elle traverse depuis l’élection présidentielle d’août 2020. Le Pen club biélorusse, présidé par le prix Nobel de littérature Svetlana Alexievich, a recensé plus de 590 cas de violations des droits de l’Homme en 2020 et a appelé à un soutien international. Le Pen Club international, association d’écrivain internationale qui célèbre ses 100 ans cette année a répondu, grâce au relai et au soutien de nombreux centres Pen en Europe et dans le monde. Prenons un instant, avec 3 noms à retenir pour nous intéresser à la littérature de ce pays.
Aborder la littérature biélorusse est au premier abord assez aisé, avec le peu de traductions disponibles en français. C’est en effet un rayon très léger que nous proposons, sur la base du pays indépendant reconnu mondialement en 1991, donc très récemment, après des siècles d’appellations différentes et de frontières fluctuantes. L’Histoire est le motif principal des auteurs à notre disposition, mais racontée par le vécu et l’intime. La littérature sert à empoigner le réel mais a-t-elle un réel pouvoir ?
S’il y a un auteur à connaître, c’est Svetlana Alexievitch
« J’ai toujours été curieuse de savoir combien il y avait d’humain en l’homme, et comment l’homme pouvait défendre cette humanité en lui. »
Il est vrai que ce qui intéresse Svetlana Alexievitch, née en 1948, ce sont les petites histoires dans la grande Histoire, comme dans La guerre n’a pas un visage de femme. Sa méthode : aller au devant des gens, les laisse raconter, se raconter mais pour préciser aussitôt : “Je me sers du journalisme pour me procurer les matériaux, mais j’en fais de la littérature… je guette toujours dans toutes les conversations, publiques ou privées, ce moment où la vie, la vie toute simple, se transforme en littérature.” (Actes sud)
A la frontière du documentaire et de la littérature, c’est cette immense sensibilité qui nous fait entrer par les témoins eux-mêmes au cœur du totalitarisme, de la catastrophe de Tchernobyl ou de guerre d’Afghanistan. Avec le Prix Nobel de Littérature l’Académie suédoise a tenu à honorer «un écrivain engagé», ne serait-ce que «pour son œuvre polyphonique, mémorial de la souffrance et du courage de notre époque». Svetlana Alexievitch fait aujourd’hui partie du comité de coordination de l’opposition en Biélorussie.
Viens et vois, roman et film emblématique d’Ales Adamovitch
Écrivain, scénariste et critique littéraire biélorusse, Ales Adamovitch (1927-1994) a rejoint encore adolescent les partisans luttant contre les troupes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. Dès ses premiers ouvrages, il recueille les témoignages des habitants qui vivaient dans les villages incendiés par les nazis en représailles contre les actions des partisans durant la Grande guerre patriotique, méthode de travail qu’adoptera Svetlana Aleksievitch. A partir de 1964, diplômé des Cours supérieurs de formation des scénaristes et réalisateurs, il écrit ou coécrit le scénario de plusieurs films. Il écrit le scénario d’un film qui sera considéré comme l’un des meilleurs de l’histoire du cinéma, Requiem pour un massacre à partir de son roman Viens et vois. Pendant l’occupation allemande en Biélorussie, Fliora, 16 ans, rejoint les partisans dans la forêt. Vingt-cinq ans plus tard, il part avec un groupe de survivants inaugurer un monument commémoratif. Un bus les mène vers les lieux du massacre, le village biélorusse de Khatyn.
Avec Sacha Filipenko, une nouvelle génération
Né en 1984 à Minsk, Sacha Filipenko a un parcours multidimensionnel : scolarité en russe et en biélorusse, formation musicale, diplôme de magistrature en Russie, scénariste et projets télévisés pour des chaînes de télévision russes, et 5 romans depuis 2014 ainsi que 2 recueils de poésie, 4 prix littéraires biélorusses (Pen club) et russes, déjà de nombreuses traductions et reconnaissance dans plusieurs pays européens. C’est Croix rouges, son quatrième roman qui l’a fait connaître en France : « Je veux vous raconter une histoire intéressante. Même pas une histoire, une biographie de la peur. Je veux vous raconter comment la terreur qui saisit brusquement un être humain peut changer toute sa vie. » C’est ainsi que nomme Tatiana Alexeïevna l’histoire de sa vie qu’elle confie à Sacha fraîchement débarqué dans son immeuble à Minsk. Le dialogue qui s’installe entre la vieille dame malade et le jeune arbitre de football évoque des tragédies, historique pour l’une, intime pour l’autre. Croix rouges est une interrogation sur la mémoire individuelle qui s’efface peu à peu, tout autant que sur la mémoire collective qui disparaît avec les derniers survivants d’une histoire tragique. Paru en français en 2020, La traque est un roman sur la corruption politique.
« En Russie, je ne suis pas un écrivain russe et en Biélorussie je ne suis pas un écrivain biélorusse ». Et à quoi sert la littérature, M. Filipenko ?
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