Les langues du nord de l’Europe ne nous sont pas très familières, ce qui est bien la cas du lituanien. Heureusement l’atelier « Ma première leçon de lituanien » a permis cette semaine d’en découvrir les particularités et les sonorités, avec l’association Alsace-Lituanie, tout en ouvrant une porte sur la culture de ce petit pays balte qui a préservé sa langue et son attachement au livre au fil de son histoire.

Deux mots à retenir : Labas et Knygnešiai

Commençons par nous saluer : « labas !  » (il faut allonger le premier a). Jolita Silanskiene nous guide dans l’histoire de la langue qui est aussi l’histoire du pays. « Si vous voulez entendre comment parlaient les Indo-Européens, venez écouter un paysan lituanien », disait le célèbre linguiste français Antoine Meillet.

En mai 1864, Alexandre II de Russie avait interdit les manuels de langue lituanienne. L’interdiction a ensuite été étendue à toutes les publications en langue lituanienne imprimées dans l’alphabet latin. Il était illégal d’imprimer, mais aussi d’importer, de distribuer et de posséder de telles publications. C’est là qu’arrivent les « Knygnešiai ». La Lituanie est le seul pays à avoir édifié des monuments en l’honneur des contrebandiers de livres appelés « Knygnešiai » ou porteurs de livres, qui au 19è siècle ont risqué leurs vies en traversant la frontière lituano-prussienne pour transporter des livres en lituanien. Ces livres et journaux ont atteint les coins les plus reculés du pays. L’interdiction n’a été officiellement levée que le 7 mai 1904.

C’est cet anniversaire qui est célébré en Lituanie chaque 7 mai, avec la Journée de la restauration de la presse lituanienne, de la langue et du livre (Gegužės septintoji – Spaudos atgavimo, kalbos ir knygos diena).

Avec sa diaspora, le lituanien compte aujourd’hui quelque 3 millions de locuteurs. C’est par le chant et les chorales que la langue vit également, avec un moment clé et spectaculaire, le Festival de la chanson lituanienne qui ressemble des milliers de chanteurs.

Pour en savoir plus sur la langue, l’histoire et la culture lituanienne, Les Cahiers Lituaniens sont une revue française d’histoire et d’art consacrée à la Lituanie et aux relations entre la France et la Lituanie. Ils sont publiés chaque automne depuis 2000 par le Cercle d’histoire Alsace-Lituanie avec le soutien de la Fondation Robert Schuman, de la Région Grand Est et de l’UIA.

 

4 romans à découvrir : nature, bibliothèques et liberté

La saga de Youza, de Youozas Baltouchis,

Éconduit par la belle Vintsiouné, le jeune Youza décide de s’exiler loin du monde et des hommes pour vivre proche de la nature, dans les paysages aussi magnifiques qu’hostiles de la Lituanie. Mais la vie et ses tourments ne sont jamais bien loin. Nous sommes à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, et le pays subit de plein fouet des bouleversements. D’abord envahie par l’Armée Rouge et incorporée de force à l’URSS en 1940, la Lituanie tombe ensuite entre les mains des nazis en 1941, lors de l’opération Barbarossa. Youza, la seule personne à pouvoir traverser les marais de Kaïrabalé sans se perdre, devient alors passeur et sauveur des Juifs persécutés.

Publiée en pleine ère soviétique, La Saga de Youza est saluée par la critique à l’international et remporte le prix du Meilleur Livre étranger en 1991.

 

Un morceau de ciel sur Terre, de Valdas Papievis

Suite à une rupture amoureuse, un journaliste lituanien, se sentant étranger à lui-même, quitte Paris, ville prise par l’engourdissement de l’été, et décide de prendre un train pour s’enfoncer en Provence. Là-bas, logé dans un petit village, il entreprend des marches au long cours, se fond tour à tour dans la plénitude des paysages et des êtres, habité par le sentiment que « la beauté touche à sa fin », vers un chemin « où il n’avait jamais été ». Une célébration mélancolique de la nature, en quête de l’émotion originelle et du sens du grand Mystère.

Écrivain, journaliste et traducteur, Valdas Papievis est l’auteur de plusieurs romans, nouvelles, et a obtenu en 2016 le Prix National de la culture et de l’art pour son œuvre. Il s’agit de son premier roman traduit en français, roman qui a obtenu le Prix national de littérature lituanienne 2010.

 

Vilnius poker, de Ricardas Gavelis

Sa publication en 1989, un an avant l’indépendance des pays baltes, fit l’effet d’une bombe et fut la catharsis de tout un peuple étouffé par les non-dits de l’occupation soviétique, propulsant son auteur, Ricardas Gavelis, au rang de plus grand écrivain du pays. L’auteur, physicien, écrivain et journaliste, livre dans ce roman politique, paranoïaque et surréaliste, une célébration de la liberté, à travers l’histoire de Vytautas Vargalys, bibliothécaire chargé de référencer les œuvres mises à l’index.

 

La bibliothèque du beau et du mal, de Undinė Radzevičiūte

Berlin, 1926. Walter a hérité de la prestigieuse bibliothèque de son grand-père, dont certains des volumes sont reliés avec la peau d’un animal en accord avec leur contenu. Tous sauf un, auquel Walter voue une véritable fascination : une première édition du marquis de Sade, recouverte de l’épiderme d’une aristocrate guillotinée. Sa demi-sœur, Lotta est jalouse de cet héritage et en quête de moralité et de vertu dans ce Berlin décadent. Quant à Maus, tanneur sourd-muet et ami d’enfance de Walter, il ne voit le monde que par les Dix Commandements. Leur destin va basculer lorsqu’un étudiant éconduit par sa fiancée et à la peau irrésistiblement diaphane se jette sous les roues de la Mercedes de Walter. Parfois, des choses terribles sont faites au nom de la beauté…

Undiné Radzeviciute, née en 1967, interroge avec humour et subtilité les contours de la liberté et nous offre une vision surprenante d’une société en crise où se révèle la complexité du monde. Prix du Livre européen en 2015, La bibliothèque du beau et du mal fait partie de la première sélection du prix Médicis étranger 2024.