Qui aurait pu prédire que le festival les Étonnants Voyageurs de Saint-Malo et celui des Imaginales d’Epinal seraient un jour annulés, pour cause de pandémie ? Sans doute quelque auteur de Science-Fiction, me direz-vous… De fait, c’est en ligne que ces festivals ont décerné leurs récompenses respectives, au mois de mai : le Grand Prix de l’Imaginaire et le Prix Imaginales.

Leur point commun, outre le fait d’être deux des plus importantes distinctions des littératures de l’Imaginaire (Science-fiction, Fantasy, Fantastique) ? Ils ont tous les deux couronné Vita Nostra, des ukrainiens Marina & Sergueï Diatchenko ! Un doublé rarissime : seule Justine Niogret avait simultanément remporté ces deux prix (pour Chien du Heaume en 2010). La compétition était particulièrement relevée cette année, voyons ce qu’en dit le journaliste Lloyd Chéry dans cette courte vidéo :

Auteurs d’une trentaine de romans, d’une centaine de nouvelles mais peu traduits en français jusqu’à présent, les Diatchenko sont des best-sellers en Ukraine, Russie, Pologne… Ce Vita Nostra, premier tome d’une trilogie s’inspirant des Métamorphoses d’Ovide, est aussi présenté comme un « Harry Potter au goulag ». Mais s’il me semble plus proche du cycle Les Magiciens de l’américain Lev Grossman par ses thématiques adultes et réalistes, le roman des Diatchenko possède un petit je-ne-sais-quoi en plus ! Une façon de ne pas vous prendre par la main (un des grands travers de la Fantasy), de laisser les choses en suspens, de ne pas fournir toutes les réponses… et aussi une mythologie différente, une subtilité à part : un supplément d’âme slave, peut-être ?

La SF, une tradition slave

Vous connaissez peut-être quelques-uns de ces noms : Evgueni Zamiatine (Nous autres), Arkadi & Boris Strougatski (Stalker), Stanislaw Lem (Solaris) ? Ces auteurs sont les éminents représentants d’une grande tradition slave dans les genres de l’Imaginaires. Des auteurs qui avaient fort à faire avec un régime autoritaire, qu’il soit tsariste ou soviétique, et qui trouvaient dans l’Imaginaire un moyen de dénoncer les travers de leur époque. De faire acte de résistance, comme Vassili Grossman ou Alexandre Soljenitsyne. Ou, plus modestement peut-être, de permettre à leur lectorat de s’évader à travers leur imaginaire fécond.

Des héritiers ? Plutôt des écrivains, tout court !

Quant à Marina et Sergueï Diatchenko, ils sont ukrainiens, écrivent en russe, vivent en Californie et font partie de cette « nouvelle vague slave » qui rencontre un grand succès. Si le contexte n’est aujourd’hui plus le même, on assiste à un renouveau de l’Imaginaire slave depuis les années 2000. Andrzej Sapkowski et sa série Sorceleur (succès vidéoludique puis Netflix, sous le titre The Witcher), Dmitry Glukhovsky et sa série Métro 2033, Andreï Dyakov, Dmitri Lipskerov, Anna Starobinets… des talents affranchis de leurs glorieux aînés et qui, chacun dans leur style, contribuent à faire rayonner ces « mauvais genres » que sont les littératures de l’Imaginaire.

Laissons le mot de la fin à la journaliste Marianne Payot du Figaro : un avis tranché qui vous donnera peut-être envie de découvrir ces écrivains !

C’est la génération la plus intéressante. Ses représentants ne sont ni soviétiques, ni antisoviétiques, ni postmodernes, mais écrivains tout court.