La pandémie et son cortège de mesures sanitaires ont bouleversé les grands rendez-vous littéraires, provoquant une vague d’annulations et de reports aux échéances incertaines. Le festival des Imaginales d’Épinal, dédié aux littératures de l’imaginaire, n’y a pas fait exception. Après une version allégée de son édition 2020 reportée à l’automne, l’édition 2021 a pu se tenir dans des conditions bien plus proches de la normale, même si elle a été elle aussi reportée à l’automne.

Ainsi, les Imaginales ont enfin pu se tenir, du 14 au 17 octobre, avec le grand retour des Magic Mirrors et de leurs captivantes tables rondes renouvelées à chaque heure. Votre dévouée bibliothécaire en charge du fonds de romans de l’imaginaire a pu s’y rendre ; voici ce qu’elle en retient !

Un peu de tourisme

Maison Romaine ©Ville d’Épinal

Si le festival se tient d’ordinaire au parc du Cours à Épinal, dans un cadre charmant mais restreint, il a dû être déplacé cette année car le parc était déjà occupé par d’autres activités. Qu’à cela ne tienne, nos Magic Mirrors et nos chapiteaux de dédicaces ont investi le centre-ville ! Cela impliquait plus de déplacements entre les divers sites, mais permettait de découvrir davantage la ville et surtout, sa basilique, superbe. J’ai pris plaisir à déambuler sur cette place, ornée pour l’occasion de quelques belles peintures de Julien Delval dans le cadre d’une exposition extérieure.

Je n’ai malheureusement pas eu le temps de me rendre jusqu’à la Maison Romaine, qui a l’air d’un très beau bâtiment.

Une thématique fédératrice et un pays invité

Chaque année, le festival se dote d’un thème autour duquel il sera développé. Cette année, il s’agit de « Frontières », terme polysémique qui permet d’aborder, certes, les frontières géographiques, sources à la fois de récits d’exploration et de conflits politiques et armés. Mais les organisateurs et auteurs présents ont aussi abordé d’autres frontières, plus sociales et psychologiques : multiculturalisme et identités plurielles, rapports hommes/femmes, écarts entre classes sociales aux intérêts différents…

Malheureusement, la délégation russophone invitée cette année a dû annuler sa venue en raison de la situation sanitaire. Nous attendions notamment les auteurs ukrainiens phares Marina et Sergueï Diatchenko dont mon prédécesseur vous a déjà parlé ici, ou Anna Starobinets, habituée du festival et lauréate du Prix Imaginales 2017 pour Refuge 3/9, un conte fantastique inquiétant empruntant au folklore slave pour brouiller la frontière entre rêve et réalité.

Des tables rondes passionnantes et des auteurs à suivre

Ce que j’aime le plus aux Imaginales, ce sont les tables rondes, qui rassemblent généralement 3 à 4 auteurs sur un thème donné. Elles sont l’occasion de découvrir leurs œuvres, leur approche de leur littérature de prédilection et leur vision du monde à travers celles-ci. Une rencontre des idées, stimulante et enrichissante pour eux comme pour moi, qui en ressors toujours avec une liste de livres à lire longue comme le bras…

J’ai jeté mon dévolu sur trois d’entre elles :

  • Frontières : le thème des Imaginales 2021 !
  • Ces récits de fantasy qui nous parlent de quête initiatique
  • Pourquoi la fantasy aime-t-elle autant les royaumes et les empires ?

Vous n’avez pas pu y aller et vous auriez aimé assister à ces rencontres ? Pas de problème, le site Actusf en a enregistré la majorité et les met à disposition ici.

J’en retiens le projet commun intrigant des auteurs français Guillaume Chamanadjian et Claire Duvivier, deux séries développées en parallèle dans le même univers : Capitale du Sud et Capitale du Nord. Les débuts de cette série à deux voix intitulée la Tour de Garde ont déjà reçu de très bonnes critiques. Chacun suit les pérégrinations d’un habitant de deux villes très différentes, aux valeurs et à l’éducation divergentes, marquées par leur origine sociale et la culture dans laquelle ils ont grandi. Si au départ, ces romans racontent comment les événements historiques de leur monde les affectent chacun à leur façon, chaque tome a vocation a converger vers un dénouement commun pour les deux personnages. Deux trajectoires, une seule histoire ?

 

C’est quand j’écoute les auteurs parler de leur travail que naît mon envie de les lire. Ainsi, l’écrivain belge Stefan Platteau m’a donné envie de partager avec vous mon intérêt pour sa série Les Sentiers des Astres, encore en cours, lors des tables rondes auxquelles j’ai assisté. Il y évoquait, entre autre, son avis sur les royaumes (« Un bon roi, ça n’existe pas »), les personnages d’élus qu’il exècre (parce qu’ils seraient propices à entretenir l’idée que le pouvoir et la réussite sont l’apanage des élites), et son attachement pour le mélange des cultures (il a vécu une partie de sa vie en Inde). Toutes ces pistes se retrouvent dans son œuvre, qui propose une fusion des mythes celtes et indiens, et dont le protagoniste, mi-humain mi-dieu, est pris entre deux mondes et deux identités.

 

Toujours dans le multiculturalisme, j’ai découvert l’auteur israélien Lavie Tidhar, qui a vécu en Afrique du Sud et au Laos, et réside désormais au Royaume-Uni, dont il a d’ailleurs adopté l’humour. Il est l’auteur du roman de science-fiction uchronique Aucune terre n’est promise, auréolé du prix Planète SF. A la fois roman d’aventure et thriller captivant, ce roman explore la question de l’identité et les enjeux d’Israël.

 

 

Je suis rentrée chez moi enchantée d’avoir découvert cette nouvelle fantasy moderne et bien ancrée dans son époque, désireuse de s’éloigner de tout manichéisme, d’encourager l’ouverture à autrui, et prête à tordre le coup à ses vieux clichés pour mieux se réinventer !

Et vous, y êtes vous allés, et qu’en avez-vous retenu ?