Jusqu’à mi novembre, la Hongrie assure la présidence tournante du Conseil de l’Europe. C’est l’occasion de s’intéresser à la littérature hongroise : sauriez-vous citer quelques incontournables auteurs hongrois ? Voici également quelques nouveautés à découvrir. Et si vous vous demandez pourquoi une vache ailée, allez jusqu’au bout !
Quelques figures incontournables de la littérature hongroise
Commençons par LE prix Nobel de littérature hongrois, Imre Kertész dont les écrits furent profondément marqués par son vécu dans les camps de concentration nazis. Il fut récompensé en 2002 pour l’ensemble de son oeuvre. Un de ses romans les plus connus, Etre sans destin relate de façon factuelle et laconique la vie d’un adolescent dans un camps de concentration puis un camps de travail.
Une autre figure marquante de la culture magyare est Sandor Marai, auteur de romans, poèmes, pièces de théâtre et même de récits de voyage, il s’est opposé à toute forme de domination politique et vécu douloureusement l’invasion allemande, puis russe de son pays jusqu’à choisir l’exil en 1948. Parmi son œuvre prolifique, ses romans les plus connus sont Les révoltés , Confessions d’un bourgeois ou Mémoires de Hongrie. Ses livres sont souvent emprunts d’une forte dimension psychologique et son style élégant n’est pas sans rappeler celui de Stephan Zweig.
La littérature hongroise du début du XXème siècle est également marquée par l’oeuvre considérable du journaliste et écrivain Gyula Krúdy. Ce dernier fut l’auteur de 86 romans, des milliers de nouvelles et des milliers d’articles de journaux ! Un de ses contemporains fut l’écrivain Dezsö Kosztolányi , journaliste, poète, auteur de quatre romans dont Anna la douce , publié pour la première fois en 1926 et récemment réédité chez Viviane Hamy. Ce roman raconte l’histoire d’une bonne malmenée au début du XXème siècle à Budapest et se veut une critique de la bourgeoisie de l’époque.
Voici maintenant une grande figure féminine de la littérature hongroise : Magda Szabo , écrivaine, poétesse, essayiste et traductrice hongroise, lauréate de plusieurs prix de littérature. D’abord jugée parmi les écrivains dissidents sous le régime communiste, elle connut le succès plus tard, dans les années 1980-90.
Ses œuvres ont toutes une forte dimension psychologique et sociologique. Son titre le plus connu, La porte, d’origine autobiographique, raconte l’étrange relation qu’a entretenu durant vingt ans la narratrice avec sa femme de ménage. Ce roman lui a valut le prix Fémina étranger en 2003.
Poursuivons avec Peter Esterhazy décrit souvent comme l’enfant terrible de la littérature hongroise. Auteur d’une dizaine d’ouvrages, le plus connu étant Harmonia Caelestis dans lequel il évoque le destin de sa propre famille, une des plus anciennes et plus puissantes d’Europe, sur un ton iconoclaste, drôle et insolent.
Vous pouvez aussi découvrir les livres d’écrivains toujours contemporains comme Ferenc Karinthy, auteur du roman à tendance surréaliste Epépé dont on vous parlait dans un précédent article, ou László Krasznahorkai dont l’œuvre constituée d’essais, de nouvelles et de romans a été primée dans son pays et à l’étranger (il a notamment obtenu le prix Kossuth, la plus haute distinction littéraire en Hongrie, en 2004 et le Man Booker International Prize en 2015). Son oeuvre majeure, Mélancolie de la résistance est présentée comme une « parabole sur les régimes militaires et une étude sur la confrontation des contraires ».
Et quelques nouveautés à découvrir
Parmi nos nouveautés 2020 et 2021, découvrez un roman familial vous plongeant dans l‘histoire de la Hongrie communiste avec Fils d’espionne d’András Forgách. C’est le premier livre de cet auteur traduit en français. D’inspiration autobiographique, ce dernier a découvert que ses parents, juifs, avaient travaillé pour les services secrets à l’époque où la Hongrie était un satellite de l’URSS. Ce roman n’est pas sans rappeler l’œuvre de Peter Esterhazy évoquée plus haut !
Árpád Kun est un scénariste hongrois, auteur de poésie et de nouvelles, vivant dorénavant en Norvège. Nord bonheur est un premier roman qui fut récompensé en 2014 par le prix Aegon. Il a été récemment traduit en français. Cette histoire vous emmènera au Bénin et raconte la vie d’un homme métissé qui « compose avec les multiples origines qui façonnent sa personnalité grâce à sa compréhension concrète et onirique du monde qui l’entoure ».
Pour finir, laissez vous tenter par un recueil de nouvelles autour du jeu d’échec. Echec et mat ou Le gambit hongrois : à travers douze nouvelles, les plus grands auteurs hongrois, certains évoqués plus haut, écrivent leur fascination pour le jeu d’échec. Il en résulte des histoires drôles, décalées, parfois tragiques, en lien avec le célèbre jeu de stratégie, très populaire dans l’aire magyare !
Pour en savoir plus sur la vache ailée
Le site littéraire de l’Institut hongrois de Paris https://litteraturehongroise.fr/ est une mine d’informations sur les dernières parutions, s’avère très riche en interviews d’auteurs et vidéos et offre quelques petites pépites, comme ce poème :
La grande vache vole toujours au-dessus de moi
elle couche sur un nuage et chante pendant la nuit
son pis ballottant surgit souvent de la brume
la chère ! mon coquelicot ! petit animal ! maîtresse inaccessible !
jamais je ne toucherai tes yeux énigmatiques
embrasse-moi !
voici la lune partie et demain nous mourrons.le désir, voilà notre grande force
ce pré est infini
entre tes cornes tu portes muette notre destinée chancelante
où le soleil brille
Tibor Déry, La grande vache, traduit par Gyulla Illyés et Yvan Goll
(Destins croisés de l’avant-garde hongroise, 1918-1928. Edition Marc Martin
Éditions L’Age d’Homme, 2002)
Illustration de Sarolta Szulyovszky pour Hősteki és az eltűnt holdtehén d’Adrienn Dér (Bookart, 2020)