3 Billboards : Les Panneaux de la vengeance [Three Billboards Outside Ebbing, Missouri] : parlons cinéma aujourd’hui, avec un réalisateur qui réussit une fusion étrange et unique entre l’esprit de grands dramaturges et les comédies télévisées anglaises.
Le pitch : après des mois sans que l’enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police sur trois grands panneaux à l’entrée de leur ville… Tel un séisme, ce geste fou, spontané, et illustrant une grande détresse, va ainsi déclencher une série de réactions des habitants de la petite ville d’Ebbing où se situe l’intrigue. Le réalisateur anglo-irlandais, Martin McDonagh, peint ainsi une galerie de portraits crus de l’Amérique profonde.
Vous l’aurez compris, ce film parle de gens… des personnages qui peuvent paraître caricaturaux de prime abord, à l’image du policier joué par Sam Rockwell, mais qui, en creusant un peu, sont loin de l’être… En cela, le film emprunte beaucoup au cinéma des frères Coen (Martin McDonagh, ne s’en cache pas). Et repose donc beaucoup sur le jeu des acteurs… et quels acteurs ! Frances McDormand (son plus beau rôle depuis Fargo !) est parfaite en mère obstinée, courageuse, qui ne lâche rien quitte à aller jusqu’au bout. Woody Harrelson, émouvant en shérif compréhensif mais impuissant. Et, Sam Rockwell, tout simplement impressionnant, déstabilisant même en flic violent, raciste, homophobe et « bas de plafond », vivant toujours avec maman à 30 ans passés… Un personnage que l’on aurait tendance à ranger dans la catégorie des gens simples, voire simplets alors qu’il n’en est rien. Le réalisateur cultive un goût certain pour l’ambiguïté : les personnages se révèlent bien moins crétins qu’ils ne le paraissent, opérant pour certains un revirement inattendu !
Construite comme une fable philosophique, morale et politique, cette comédie dramatique policière questionne le regard que les personnages posent les uns sur les autres, et aussi celui qu’on pose sur eux, nous obligeant à changer d’avis sur leur compte à chaque scène. Et laisse ainsi la part belle à l’imprévisibilité.
On retrouve également certains éléments déjà présents dans le précédent film du réalisateur, Bons Baisers de Bruges comme l’humour noir inattendu, l’empathie pour les losers, des dialogues qui semblent trop travaillés mais qui, au final, s’intègrent parfaitement.
Bref, un film puissant, profond, sombre & maîtrisé qui, malgré son sujet peu léger, donne la patate (irlandaise 😉 !
DaaKi & le comité de lecture du Neudorf