Dans la série « les Avis du comité de lecture des bibliothécaires de Strasbourg », je demande « Suiza » de Bénédicte Belpois. Nos « bibliothécaires-découvreuses » ont beaucoup échangé sur ce premier roman : certaines ont bien voulu vous communiquer leur ressenti.
Céline – Olympe de Gouges :
« Voici un roman dont j’ai failli abandonner la lecture au vu des descriptions « bestiales » des ressentis et actions du personnage principal surtout envers la gente féminine. Bref, j’étais heurtée dans mon intégrité de femme et donc mal à l’aise. Mais l’écriture de Bénédicte Belpois est tellement belle et imagée que j’ai persévéré et je ne le regrette pas. Ce fameux Tomas, tellement brute, va peu à peu se transformer grâce à Suiza, et elle grâce à lui. C’est l’histoire d’une rencontre entre deux êtres bousculés par la vie, en mal d’amour et incompris, qui vont se trouver et fusionner. C’est beau et tragique. »
Anne – Msud :
« Lire Suiza, c’est rentrer dans un univers particulier, s’aventurer hors des sentiers battus, surtout hors des plates-bandes de l’éditeur Gallimard. Ça m’a décontenancé et je serais rentrée dans la lecture plus facilement s’il avait été estampillé Actes Sud ou Stock par exemple. Là, c’était comme ouvrir une boite de chocolat et y trouver une bretzel.
Suiza est une jeune femme des marges qui souhaite voir la mer, sa quête est limpide. Au gré de ses pérégrinations elle se retrouve dans un village et va y trouver une place auprès de personnages hauts en couleur.
C’est un conte, à chemin entre la Belle et la bête, Cendrillon, le petit chaperon rouge.
C’est déstabilisant, mais quelle joie de se voir bousculé dans ses lectures. C’est une rencontre avec des êtres écorchés où la sensibilité affleure à même la peau.
Et à vous, que va vous inspirer cette lecture ? »
Gabrielle – André Malraux :
« Voici quelques mots pour ce livre que j’ai beaucoup aimé, très dur dans certains aspects. On s’attache quand même au personnage principal, qui change de comportement vis-à-vis de la jeune fille dont il est tombé amoureux. On passe de scènes violentes à des scènes tendres, où l’on pourrait imaginer une vie normale pour ce jeune couple.
Mais rien n’est évident. La maladie de l’un , le handicap de l’autre , qu’on devine et que le lecteur oublie car le récit est poignant.
Le lecteur est plongé dans un monde cruel où il n’y a aucune compassion.
On sent la volonté de protéger l’autre , d’oublier la maladie jusqu’à la faire pratiquement disparaître du récit.
A chaque instant on imagine une issue heureuse, un apaisement , mais rien n’y fait , le pire reste à venir… »
Magali – Cronenbourg :
« Au lecteur attentif et fidèle de mes petites bafouilles, il n’aura pas échappé que je voue un culte irrationnel (et tout à fait subjectif) à l’écriture ensoleillée de tendresse et d’humour du grand Marcel Pagnol…Aussi, lorsqu’au fil de mes retours de lecture je ne peux m’empêcher d’établir une filiation avec mon cher auteur, c’est que l’heure est grave : coup de cœur à l’horizon !!
Avec « Suiza », premier roman que j’espère suivi de beaucoup d’autres, Bénédicte Belpois a fait vibrer comme jamais ma fibre pagnolesque. Tomàs, Suiza, Ramon, c’est une trilogie tout-en-un, avec, comme autour de Marius, Fanny et César, une galerie de seconds rôles dont aucun n’est expédié ou négligé. C’est bien simple, c’est un livre qu’on lit avec l’accent et, comme je ne connais pas celui de là-bas, j’ai laissé chanter celui de Marseille dans les mots de ces Galiciens-là. Ce sont des personnages attachants, aux lignes claires malgré quelques contours volontairement floutés, des êtres de chair et de sang, de désirs et de douleurs, d’appétits et d’appréhensions. Ce sont des hommes et des femmes à l’histoire riche et laborieuse, parfois déroutante, qui échangent des mots rugueux comme des cailloux, des sentiments un peu raides de n’avoir pas beaucoup servi et, à l’occasion, quand le sang bout trop fort, des mandales à assommer des bœufs, dans un décor immuable où, bien sûr, le café tient la place centrale et où l’amour et la mort se tirent la bourre. Ce sont des dialogues drôles et attendrissants, percutants et ciselés, des apartés importants, des confidences de déconfitures. Ce sont des existences qui se croisent, se mêlent, germent ou s’essoufflent .C’est un éclair de vie, de lumière et de chaleur qui traverse le roman ainsi que les sublimes paysages de cette rude et belle Galice où il se déroule, et qui semblent défiler sous nos yeux , portés par les mots simples et justes de Bénédicte Belpois. Il y a en eux cette force brute et pure, cette douceur surprenante, cette joie limpide qui nouent, par surprise et par bonheur, les cœurs de Tomàs et Suiza, à la vie, à la mort. »
Violence et personnages en marge, gens de la terre ou échappés de foyers, nous amènent à un premier roman beau comme une histoire d’amour.
A vous de faire un avis sur ce premier roman qui a tant bouleversé nos lectrices ….