Certaines séries télévisées adaptées à partir d’une œuvre littéraire ont un tel succès qu’elles remettent au goût du jour le roman original quelque fois « délaissé » ou méconnu. On vous proposait déjà quelques séries à découvrir en décembre dans cet article. On peut certes contester ces adaptations filmées leur reprochant parfois de ne pas être totalement fidèles à l’oeuvre originale, elles ont toutefois le mérite de faire ressortir de l’ombre des romans. C’est le cas, en ce moment, avec Les aventures d’Arsène Lupin, la série Anne with a « e » inspirée du roman canadien « Anne de la maison aux pignons verts » de Lucy Maud Montgomery encore avec les Chroniques de Bridgerton, série inspirée de l’oeuvre de l’américaine Julia Quinn.
Ces derniers mois, le jeu d’échecs est revenu à la mode grâce à la superbe série Le Jeu de la Dame (the Queen’s Gambit), inspirée du roman du même nom de l’auteur américain Walter Tevis. Cette série dépoussière l’image qu’on se fait du sport cérébral qu’est le jeu d’échec tout en lui donnant une image féminine et glamour à travers son héroïne.
Les références précitées étant plutôt américaines, revenons sur le vieux continent où de nombreux auteurs ont construit leur intrigue autour du jeu d’échecs. Certains sont devenus de véritables classiques de la littérature, d’autres sont à découvrir. Voici un petit aperçu.

Les grands classiques…

Le joueur d’échecs de Stefan Zweig est l’œuvre incontournable à lire sur le thème des échecs. Publié après sa mort, c’est le dernier récit écrit par l’auteur autrichien. Dans cette nouvelle écrite entre 1938 et 1941, il s’est inspiré de sa propre vie de solitude.
L’histoire se passe sur un paquebot reliant New-York à Buenos Aires. Le narrateur assiste à un partie d’échecs entre un champion du monde et un illustre inconnu ayant connu la montée du nazisme. Ce dernier fut emprisonné dans une petite pièce à la merci des interrogatoires psychologiquement destructeurs de la Gestapo. Il doit son salut à un livre dérobé à un officier, un manuel sur les plus grandes parties d’échecs de l’Histoire…
Un huis-clos psychologique captivant !

Vladimir Nabokov a écrit La défense Loujine en 1930 en s’inspirant de la vie d’un grand joueur d’échecs allemand (Curt Von Bardeleben) qui s’est suicidé en 1924. L’écrivain russe résuma son roman ainsi : « C’est l’histoire d’un joueur d’échecs écrasé par son propre génie ». Il  raconte la vie de Loujine, un joueur d’échecs russe fictif qui arrive au plus haut niveau et devient totalement obnubilé par le jeu au point de devenir asocial et marginal. Son épouse, comprenant que les échecs entraînent Loujine vers une profonde maladie mentale, décide avec son accord de le sevrer de jeu. Mais, après quelques mois de monotonie et d’absence de but dans sa vie, Loujine s’isole de plus en plus et ne parvient plus à différencier le monde réel de celui de l’échiquier psychologique qu’il s’est construit. Il finit par sombrer dans la folie.

Lewis Carroll est surtout connu pour les aventures d’Alice au pays des merveilles , mais connaissez-vous De l’autre coté du miroir ? Ecrit en 1871 en pleine époque victorienne et traduit pour la première fois en français en 1930, ce roman est, en quelque sorte, la « suite » d’Alice au pays des merveilles. Cette fois, la jeune fille s’endort et rêve qu’elle passe de l’autre coté du miroir du salon. Elle se retrouve dans un monde « à l’envers » avec la belle campagne anglaise ainsi qu’un échiquier géant où il faut courir très vite pour rester sur place. Alice y croise des pièces d’échecs et des personnages de la culture enfantine de l’époque victorienne. C’est un roman onirique alliant beaucoup de poésie, d’humour et de « non-sens » propres à Lewis Carroll. L’auteur s’est beaucoup amusé avec la langue anglaise, jouant sur les synonymes, les jeux de mots, etc. Par ailleurs, connaître les règles de base du jeu d’échecs permet de comprendre mieux l’évolution de l’histoire. Enfin, contrairement aux aventures d’Alice au pays des merveilles, l’héroïne suit ici une évolution incontestable en passant de pion à reine.

D’autres livres sur les échecs à découvrir….

L’écrivain espagnol Arturo Pérez-Reverte a écrit au début des années 1990 un thriller historique atypique sur le monde de l’art et l’univers des échecs : Le tableau du maître flamand. Julia travaille à la restauration d’une toile peinte il y a cinq siècles représentant un seigneur et un chevalier jouent aux échecs, observés depuis le fond par une femme en noir. Elle remarque que le peintre a réalisé ce tableau deux ans après la mort mystérieuse d’un des joueurs et découvre la discrète inscription « Qui a pris le cavalier ? » A partir de là, elle va tenter de percer le mystère de cette peinture mais, pour cela, elle va devoir s’immerger dans la partie d’échecs représentée sur tableau…
Un polar historique original, riche et complexe, qui réjouira les amateurs d’art tout comme les adeptes des échecs !
Ce roman a été récompensé par le grand Prix de littérature policière en 1993.

La joueuse d’échecs de l’allemande Bertina Henrichs est une belle histoire d’émancipation féminine à travers le jeu d’échecs.
Sur une île grecque, une mère de famille discrète employée d’un hôtel fait tomber par mégarde une pièce d’échecs d’une partie en cours, alors qu’elle faisait le ménage. Elle va dès lors être fascinée par ce jeu et apprendre à jouer. Ce petit incident va finir par bouleverser sa vie et lui permettre de s’émanciper au delà de ce qu’elle imaginait !
Ce roman a été adapté au cinéma en 2009 avec Sandrine Bonnaire, sous le titre Joueuse.

Un combat et autres récits est un recueil de quatre nouvelles grinçantes et ironiques écrites par Patrick Süskind. Parmi ces textes mettant en scène des personnages en détresse aux portes de la folie, l’un porte sur les échecs.
Un jeune inconnu arrogant et désinvolte entame une partie avec un vieux joueur expérimenté. Ce dernier sent alors que sa carrière est menacée… Et son public, pourtant fidèle, le croit aussi. Mais l’issue de la partie dira ce qu’il faut penser de certaines « évidences ». N’importe quel artiste, un jour ou l’autre, a entendu parler de « profondeur ». Mais qu’est-ce que la profondeur ? Voilà une question qui peut décider d’un destin…

Alors, pour cette fin d’hiver froide et semi-confinée, allez-vous vous plonger dans un de ces romans ou dans une partie d’échecs ?