La Grèce, on vous y a déjà emmenés :  à Corfou avec Laurence Durrell, ou sur les traces de Gioconda, nous vous avons proposé une sélection à glisser dans vos bagages, nous avons même essayé de vous mettre l’eau à la bouche… Durant les mois qui viennent, nous poursuivrons cette exploration, en l’inaugurant aujourd’hui avec l’une de ses grandes traditions, la poésie, et deux grandes figures de la littérature grecque, Yánnis Ritsos et Kikí Dimoulá.

Yánnis Ritsos, « le plus grand poète », toujours d’actualité

La renommée de Yánnis Ritsos (1909-1990) dépasse les frontières et Louis Aragon dira de lui qu’il est « le plus grand poète vivant ». Il a reçu le prix Lénine pour la Paix en 1977 (l’équivalent du Prix Nobel de la paix). Écrivain le plus engagé de sa génération, toute son œuvre, chansons, théâtres, essais, poésie…, sera influencée par les théories marxistes et sa poésie, qui évoluera au cours de sa vie, est à la fois ludique, musicale et satyrique, mais aussi en monologue intérieur.

S’il est une preuve que la poésie de Yánnis Ritsos parle toujours à la jeune génération actuelle, c’est la lecture que nous avons choisi d’écouter avec vous : Florence Vallet, jeune strasbourgeoise élève du lycée Kléber de Strasbourg, a choisi de lire « La Paix » pour le grand concours national de lecture à voix haute lancé par la Grande Librairie et destiné à tous les élèves, de la 6e à la terminale (poème traduit du grec par l’auteur, édité dans la Revue Europe août-septembre 1983). Florence Vallet, qui fait partie des finalistes, dira : « J’ai choisi ce poème car le thème est pour moi important. C’est un texte poignant qui nous montre que la paix réside dans chaque moment simple de la vie ». Écoutons-la ici.

Que lire de Yannis Ritsos ? Symphonie du printemps est un long poème évoquant le régime dictatorial de Metaxas, publié en 1938 : le poète fait allusion aux drames qui ont jalonné le printemps de sa vie : l’effondrement économique d’une famille noble, la mort prématurée de sa mère et de son frère, la démence de son père… Mais la présence d’une femme est venue effacer les traces de ce passé.

Kikí Dimoulá, une poétesse de l’absence, mais si présente

Kikí Dimoulá, l’une des plus importantes poétesses contemporaines en Grèce, est morte le 22 février dernier, à Athènes à l’âge de 89 ans. Née en 1931, elle avait publié son premier recueil à l’âge de 21 ans et avait réussi à s’imposer sur la scène poétique de son pays surtout après les années 1980, avec son regard particulier sur la vie quotidienne, les femmes, la solitude, la vanité, le temps.

Elle a été distinguée par le Prix Européen de Littérature 2009, qui lui a été remis à Strasbourg en mars 2010. Nous avions été heureux de la voir alors. Lors de son discours de réception elle aura cette belle définition de la poésie :

« Tu marches dans un désert. Tu entends un oiseau chanter. Même si tu as du mal à croire à cet oiseau suspendu dans le désert, tu es obligé de lui préparer un arbre. Voilà ce que c’est la poésie. »

Que lire de Kikí Dimoulá ? Mon dernier corps, publié par les Editions Arfuyen à l’occasion de son prix, est traduit par Michel Volkovitch, lauréat au même moment de la Bourse de traduction 2010 du Prix européen de littérature, pour ses traductions de Kiki Dimoula et «pour l’ensemble de ses travaux sur la littérature grecque moderne». Ce recueil est donné en édition bilingue avec une préface du traducteur qui en font une édition de référence pour la découverte de l’auteure. Les poèmes de Kiki Dimoula sont écrits comme des récits, avec une grande simplicité apparente. « Il ne se passe rien, mais l’enjeu est immense, d’ordre surhumain. Un ordre souverain semble s’exercer sur les menus événements qui sont là, comme si les dieux de l’antiquité hellénique étaient toujours à l’œuvre, implacables jusque dans le plus dérisoire de nos vies. Une femme passe l’aspirateur, et c’est une tragédie grecque qui se déroule sous nos yeux. » (Editions Arfuyen).

A feuilleter également : Anthologie de la poésie grecque contemporaine : 1945-2000 / choix et traductions de Michel Volkovitch avec une postface de Jacques Lacarrière.

Article rédigé sur des idées de Sylfe et Marjoraki.