Le semestre de Présidence de l’Islande à Strasbourg touche à sa fin, avec le spectacle franco-islandais « Manndýr » présenté à la médiathèque André Malraux cette semaine. Retour sur le sens de ce spectacle, une belle source d’inspiration pour notre futur.

Le Président de l’Islande, Guðni Th. Jóhannesson, est à Strasbourg cette semaine pour la clôture du semestre de Présidence de l’Islande au Conseil de l’Europe. Sa première visite a été pour la médiathèque André Malraux à l’occasion d’un spectacle créé en Islande par la performeuse Aude Busson installée dans ce pays depuis de nombreuses années. L’occasion d’un échange en toute simplicité, où le public a pu entendre résonner la langue islandaise, et le Président s’essayer avec humour à quelques mots de français.

D’où venons-nous, où allons-nous ?

« Un enfant ça sert à soutenir le monde, à avoir de nouvelles idées, de nouveaux projets que personne n’a eus, des idées qui ne viennent pas d’avant mais qui viennent de maintenant là pour plus tard. »

Manndýr est un spectacle participatif qui interroge le rôle de l’homme du point de vue des enfants. Sur scène, Aude Busson, accompagnée des voix d’enfants et des spectateurs a tracé une histoire et une réflexion sur l’homme et son rapport au monde. « Manndýr » pourrait de straduire par « hominal » ou homme-animal. Aude Busson s’est inspirée du roman de Colas Gutman « L’enfant » (L’école des loisirs, 2011) et invite petits et grands à réfléchir à la place que l’humain prend dans la nature.

Le rapport à la nature

Une piste pour entrer dans la littérature islandaise est justement le rapport au pays et à l’histoire inscrite dans le paysage.  Comme nous l’explique cet article du BIEF, ce fut un thème majeur de la poésie islandaise qui revient avec force – mais pour des raisons différentes.  » Une des questions lancinantes qui hantent les consciences islandaises d’aujourd’hui est justement le rapport à la nature. Pour la première fois de notre histoire, nous sommes en mesure de transformer nos paysages par la construction d’immenses barrages hydrauliques ou géothermiques et en y érigeant d’énormes usines d’aluminium qui polluent notre air. D’aucuns disent que c’est un sacrifice nécessaire, si nous voulons conserver un niveau de vie qui demeure un des plus élevés du monde malgré nos déboires récents. D’autres prétendent qu’il s’agit surtout d’un pillage dont l’essentiel du profit passe dans les coffres des multinationales. »

Notre sélection est toujours d’actualité pour découvrir les différentes facettes de la littérature islandaise.

La vie de l’être humain est au mieux constituée de notes isolées qui ne forment aucune mélodie, des sons engendrés par le hasard, mais pas une musique – est-ce donc la raison pour laquelle nous vous apostrophons en vous racontant l’histoire de ces générations et en balayant cette centaine d’années, telle anecdote, telle planète, telle comète, telle chanson de variété, tout un palmarès musical du bout du monde, est-ce pour cette raison que nous tenons à ce que vous sachiez qu’un jour, Margrét était nue sous sa robe américaine, que ses seins étaient petits, mais fermes, sur ses jambes longues, fines et robustes ont ensuite étreint les hanches d’Oddur, afin que vous sachiez et que, de préférence, vous n’oubliiez jamais que tout le monde a un jour été jeune, afin que compreniez que tous autant que nous sommes, un jour viendra où nous brûlerons, consumés de passion, de bonheur, de joie, de justice, de désir, parce que c’est ce feu-là qui illumine la nuit, qui maintient à distance les loups de l’oubli, afin que vous n’oubliiez pas qu’il faut vivre et ressentir, que vous ne soyez pas transformés en un cadre sur un mur, un fauteuil dans un salon, un meuble devant une télévision, un objet qui regarde l’écran de l’ordinateur, inerte, afin que vous ne deveniez pas celui qui ne remarque rien ou presque, que vous ne somnoliez pas au point d’être la marionnette du pouvoir ou d’intérêts partisans, que vous ne deveniez pas une quantité négligeable, anesthésiée, au mieux une petite goutte d’huile dans un mystérieux rouage. Brûlez, afin que le feu ne faiblisse pas, ni ne périsse, ne refroidisse, afin que le monde ne devienne pas un lieu froid : la face cachée de la lune.

Extrait de « D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds » de Jon Kalman Stefansson.